mardi 20 mars 2012

L'Eradication de l'ego


Présentation
Pour les adeptes de la tradition bouddhique, les enseignements de Chö (gCod) reposent sur les préceptes enseignés le maître indien Pha Dampa Sangye et  popularisés par Machig Labkyi Drönma (1055-1145). En réalité, il semblerait que Pha Dampa Sangye ait reçu ces enseignements de son ami et maître Bönpo Trotsang Druklha (Khro tshangs 'brug lha, 956-1077); le Chö aurait donc une origine Bönpo évidente.

Dans l'article mentionné sous Référence ci-dessous, je présente les grandes lignes historiques qui se rapportent à la pratique de Chö, en précisant que cette tradition s'est finalement intégrée à chacune des écoles du Bouddhisme tibétain. Il existe ainsi des traditions de Chö chez les Gelukpas, les Kagyüpas, les Sakyapas, les Nyingmapas et, également, chez les Bönpos. Chacune de ces écoles a repris à son compte ces pratiques de Chö en y intégrant les conceptions doctrinales centrales qui les caractérisent (comme la Mahamudra pour les Kagyüpas, le Dzogchen pour les Nyingmapas et les Bönpos, etc.).

Le principe du don du corps (lus sbyin) qui se trouve au cœur des visualisations du Chö consiste à transcender les peurs et les attachements en les éradiquant de manière plus que radicale. En fait, l'expression “don (sbyin) du corps (lus)” est devenue l'un des synonymes directs renvoyant à la pratique de Chö elle-même. L'objet (yul) de cette éradication est la saisie d'un soi (bdag), erronément conçu comme existant de manière inhérente.

Deux étapes complémentaires structurent cette a pratique : en vertu de la première, l'adepte considère les hôtes courroucés et sanguinaires invités à se repaître de son corps comme des entités existant indépendamment, c’est-à-dire comme réelles et extérieures à lui ; puis, dans un second temps, il reconnaît que toutes ces formes démoniaques sont issues de son esprit et il peut donc les transcender dans l'expérience directe de la vraie nature de son esprit, c’est-à-dire la Vacuité (stong pa nyid).

Les enseignements de Chö sont pratiqués dans des lieux inspirant effroi et terreurs archétypales (comme des charniers, etc.), et sont même dans certains cas exécutés directement sur un véritable cadavre pourrissant. 

Dans le reste de l'article, je décris la structure d'un rituel de Chö générique, avec ses diverses sections, comme le “Festin blanc” (dkar 'gyed),  le “Festin rouge” (dmar 'gyed), le “Festin diapré” (khra 'gyed), et finalement le “Festin Noir” (nag 'gyed) qui est parfois omis dans certains rituels.

Les rituels de Chö ont été erronément associés à des pratiques chamaniques dans la mesure où ils font appel aux divinités autochtones du Tibet ancien que l'on a rangé abusivement dans le panthéon Bönpo, la religion Bön ayant été, tout aussi abusivement, qualifiée de chamanique. Foncièrement, et sans vouloir en démystifier les pratiques, les enseignements de Chö rentrent parfaitement dans le cadre des rituels d'offrandes et relèvent de la Voie tantrique en général. Leurs aspects macabres et “secrets” les placent sur le plan des tantras supérieurs même s'ils dépendent en fait doctrinalement de la voie des Sûtras, et comme on l'a dit, de la Prajñâpâramitâ mais aussi de l'Abhidharmakosha (V, 34). 

Référence


— “L’Eradication de l’ego”, 
in Jean Servier (éd.), Dictionnaire critique de l’Esotérisme, Puf, 1998, 
p. 477-479.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire