La pratique dite de l'extraction des essences ou élixirs (bcud len, pr. Chülen) joue un rôle considérable dans divers cycles et traditions du Bouddhisme Tibétain. Elle est notamment d'une importance plus qu'évidente dans le système de la Grande Perfection (rDzogs chen), ainsi que le montrent la vie et les instructions de plusieurs patriarches de ce système qui sont parvenus au Corps d'Arc-en-ciel ('ja' lus) en combinant cette pratique avec le reste des instructions dzogchen elles-mêmes.
Dans le Dra Thelgyur (sGra thal 'gyur), l'un des plus importants Tantras de la tradition Nyingmapa, le Buddha Vajradhara énumère une liste de sept méthodes consistant dans l'extraction de l'essence: 1. de pierres précieuses, 2. de minéraux réduits en poudre, 3. de légumes, 4. de jus de fruits, 5. de viande, 6. de l'air, et 7. des éléments (eau, feu, etc.). Chacune de ces extractions a un objectif particulier, celui de la première méthode étant par exemple d'atteindre une longévité égale à celle du soleil et de la lune.
La dernière de ces techniques doit permettre à l'adepte de se nourrir des manifestations extérieurs de ces éléments... [C']est très certainement la plus difficile, mais elle contient en elle-même tout le propos de l'extraction des essences. Celui-ci est, entre autre, de se débarasser de l'attachement à la nourriture (zas zhen) et cela veut donc dire interrompre toute consommation de nourriture solide (...).
Si elle a également un objectif rédempteur évident, celui de transformer la matérialité du corps en la purifiant par une diète particulière fondée sur l'une ou l'autre de ces méthodes, la pratique de Chülen présente également un grand intérêt pour les retraitants ou les ermites qui vivent dans la solitude la plus complète, isolés de tout contact avec autrui. Leur dépendance face à la nourriture peut ainsi être levée grâce à ce type de yoga, qui doit être accompli de manière très graduelle, en passant par un type de Chülen dit du Nirmanakaya, avec une nourriture solide très sommaire (un khanda), avant d'aborder le Chülen du Sambhogakaya dans lequel, selon les textes un khanda très dilué est consommé ou bien simplement de l'eau, pour finir par le Chülen du Dharmakaya dans lequel l'adepte "consomme” la substance ciel par la respiration.
Tous les textes ne concordent pas sur le contenu de la diète en fonction de ces trois formes génériques de Chülen, mais dans la plupart des cas, la consommation de pilules à base de mercure est au programme.
Les adeptes de cette pratique l'accomplissent également dans le cadre de maladies particulières, ou bien en combinaison avec des sadhanas de longue vie (tshe sgrub), ou encore dans des pratiques spéciales qui déclenchent sur sorte de transmutation des constituants matériels du corps et qui aboutissent finalement à la résorption de ce dernier en lumière (...).
La consommation des pilules ne doit théoriquement se faire qu'au cours de retraites spirituelles particulièrement strictes, qui ne devront pas durer moins de trois semaines. En règle générale, l'adepte les prend selon une posologie variable, deux ou trois fois par jour.
Dans le reste de l'article mentionné infra sous Référence, je décris les conditions indispensables à la production de ces pilules, leur fabrications, ainsi que les pratiques tantriques associées (à la production, à la consécration et à la consommation de ces pilules). Un texte très court, extrait de la tradition dite de la Section de l'Espace Abyssal (klong sde) du Dzogchen est également donné à titre d'exemple d'une pratique très singulière au sein des techniques de Chülen, consistant dans l'inhalation de fumées provenant de la combustion de substances spéciales, qui permettent de générer une expérience directe de la Claire-Lumière ('od gsal).
Référence
“L’extraction des Essences”,
in Jean Servier (éd.), Dictionnaire critique de l’Esotérisme, Puf, 1998
, p. 491-493.
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